Lucie Joubert a 56 ans et est sans enfant par choix. Elle est professeure de littérature à l’Université d’Ottawa.
1- Comment décrivez-vous votre parcours professionnel?
C’est une ligne droite toute simple: j’ai toujours aimé la lecture. Je suis maintenant professeure de littérature et mon domaine de recherche principal est l’humour et l’ironie des femmes. J’aurais aimé écrire le roman du siècle mais je me contente de faire des essais qui répondent à des questions que je me pose.
J’ai donc fait, entre autres, deux livres sur l’ironie et l’humour des femmes et un autre … sur la non maternité!
2- Lorsque vous étiez petite, est-ce que vous pensiez un jour avoir des enfants?
J’ai toujours su que je n’en voulais pas. Je n’ai jamais joué à la poupée ( à part la Barbie qui était pour moi une femme de carrière), ni à la mère.
3- Est-ce que les enfants font partie de votre vie?
Juste ce qu’il faut.
4-Quelle place occupe dans votre vie:
a) La famille:
La famille au sens traditionnel occupe une bonne place. Je suis contente que ma soeur et mon frère aient eu des enfants.
Pour moi, la famille, c’est surtout mon couple; c’est mon point d’ancrage.
b)Les amis:
Ils occupent une grande place: je ne perds pas mes amis de vue. Je reste toujours en contact avec eux.
c) Le travail:
Il prend une grande place.J’adore ce que je fais. Je m’investis beaucoup mais je n’ai pas l’impression d’ête une workoolic.
d) Les loisirs:
Ma passion est la lecture. Cela coïncide avec mon travail.
e) Le bénévolat:
Je n’ai pas beaucoup de temps pour cela en ce moment.
5- Quelle est selon vous la place et le rôle d’une femme sans enfant dans la société?
La nullipare est très importante : elle a une distance qui manque presque à tous les parents que je connais. J’oserais même dire qu’elle a une ouverture sur le monde que ne permet pas la cellule familiale traditionnelle. J’aimerais bien qu’on s’en rende compte.
6- Quel est selon vous les préjugés les plus tenaces au sujet des femmes sans enfant?
L’oisiveté: les femmes sans enfant sont nécessairement disponibles n’importe où, n’importe quand, pour n’importe quoi puisqu’elles n’ont que cela à faire.
L’incomplétude: il manque nécessairement quelque chose pour être heureuse.
La lâcheté : les sans enfant sont des paresseux.
La sécheresse du coeur: faut voir!
Le matérialisme: les sans enfant ont de l’argent plein les poches; ils peuvent s’acheter tout ce qu’ils veulent.
7- Comment envisagez-vous la vieillesse sans enfant?
J’y pense mais cela ne m’inquiète pas, surtout depuis que j’ai fait mon essai sur la question. Les femmes sans enfant par choix sont en général très entourées et paradoxalement moins seules que bien des mères parce qu’elles ont cultivé les amitiés toutes leur vie. Elle n’attendent rien de leur entourage à l’encontre des parents qui, inconsciemment souvent, et même s’ils s’en défendent, comptent sur la gratitude de leur progéniture.
8- C’est comment la vie d’une femme sans enfant? Quels sont les avantages et les inconvénients?
D’abord, je n’ose pas dire les avantages, tant il y en a, parce qu’on ne me croirait pas. Encore récemment, une collègue m’a prise en pitié quand je lui ai dit que je n’avais pas d’enfant: » Tes étudiants, ce sont tes enfants! »Je lui ai donné un exemplaire de mon livre…!
Je n’ose pas dire les avantages, ensuite parce que c’est une provocation: une nullipare sereine, qui aime sa vie et qui ose le dire, se justifie nécessairement alors qu’une mère peut parler de ses maternités à l’infini sans qu’on s’en formalise.
Je vois un seul inconvénient: mes enfants ne viendront pas me porter des chocolats à l’hospice.
9- Quelle femme vous inspire , est votre modèle? À qui vous identifiez-vous en tant que femme sans enfant?
C’est une bonne question, surtout que, par les temps qui courent, les modèles sont exclusivement maternels: on ne veut pas voir les femmes sans enfants autrement que comme des pauvresses qui sont en train de passer à côté de l’essentiel. Je ne dirais pas que Simone de Beauvoir est mon « modèle » mais elle a vécu les mêmes pressions . Un jour qu’elle présentait une conférence, une femme lui a demandé: » Madame, peut-être écrivez-vous des livres parce que vous n’avez pas eu d’enfants? » Elle a répondu: « Peut-être faites-vous des enfants parce que vous n’êtes pas capable d’écrire des livres? » Son autobiographie se termine par les mots: » J ‘ai été flouée ». Bien du monde s’est empressé de de traduire par : » j’aurais dû avoir des enfants », alors qu’elle parlait plutôt d’une déception générale face à ses projets philosophiques. On aurait bien voulu qu’elle soit malheureuse de ne pas être mère.
10- À travers mes diverses entrevues, j’ai remarqué que beaucoup de femmes sans enfant avaient des animaux. Est-ce votre cas?
Je n’ai pas d’animaux. Cela nécessite autant de soin que les enfants, justement.
11- À quoi consacrez-vous votre vie? Quel en est le but en ce moment?
Autre bonne question! Mes passions coïncidant avec mon emploi, je travaille beaucoup. Le reste du temps, je maintiens des liens qui sont vitaux pour moi avec mes amis et ma famille.Surtout, j’essaie de rester en contact avec la culture et d’y participer comme être pensant. C’est mon oxygène.
Envers du landau (L’)
Par Lucie Joubert
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Description : L’envers du landau est une réflexion sur la femme qui choisit de dire non à la maternité dans une société obsédée par le discours nataliste. Quelle place peut, en effet, espérer occuper une non-mère dans une économie qui prend appui sur les tables à langer…