Les mères silencieuses

Ce soir, une grande fille de 30 ans m’a dit que parfois j’étais sa mère.

Ce soir, j’ai compris, hors de tout doute que je n’aurai jamais d’enfants à moi parce que mes enfants à moi c’est tout le monde.

Ce texte là je l’écris pour toutes les filles, toutes les femmes qui comme moi se font cracher au visage et mettre de côté trop souvent dans leur quotidien parce qu’elles n’ont pas enfanté.

Que connaissez-vous de ses femmes? De leurs histoires?

Ce soir, je mets mes tripes sur la table, pas pour me plaindre, pas pour faire pitié. Je le fais parce que je suis tannée. Tannée de me faire poser une étiquette dans le front, tannée de me justifier.

Je ne suis pas une mère au sens de la loi, de l’état ou du sang. Non. Par contre j’ai un tas d’enfants, petits, grands, jeunes, vieux.

Petite, je me suis trouvée rapidement un attrait pour aider les autres. Rapidement mon raisonnement d’adolescente fut le suivant: « pourquoi mettre de nouveaux humains sur terre quand tant d’êtres souffrent déjà ». Ce raisonnement ne m’a jamais quitté.

Quand on me met de côté parce que je ne suis pas une mère. Quand on me juge de ne pas l’être … J’ai mal. Profondément. Je n’ai pas juste mal pour moi, j’ai mal pour toutes les femmes qui ont décidé de donner leur vie autrement. Dans le temps y’avait les nonnes, maintenant y’a nous. Je ne suis pas une sainte, elles non plus. Mais la soutane c’est plus très glamour en 2015, et je ne crois pas aux religions organisées.

Vers 27 ans, par pression sociale, j’ai essayé d’avoir des enfants. Je suis tombée enceinte rapidement pis je suis tombée en fausse-couche tout aussi rapidement. 4 fois. Je crois aux signes de la vie, pis ça ça n’était un gros selon moi. Je ne me suis pas acharnée. J’ai décidé d’être une mère silencieuse, de m’occuper le plus possible du plus de monde possible. Regardez autour de vous, des cœurs écorchés y’en a à la pelle. Ce n’est pas le boulot qui manque. Comment je ferais pour m’occuper d’enfants en plus?

Je ne suis pas là pour faire l’étalage de ce que je fais et de ce que je ne fais pas. Je ne suis pas là pour dire que je suis meilleure ou pire que qui que ce soit.

Je sais seulement une chose, la prochaine fois qu’on me demandera si j’ai des enfants, je dirai oui. Parce que je suis une mère silencieuse. Que selon moi être la mère silencieuse d’un tas de gens c’est pas mal comme être la mère à temps plein de quelqu’un. C’est juste que tu vis les moments de sa vie dans le désordre.

Nous sommes les mères silencieuses.

Celles que tout le monde ignorent.

Nous sommes celles qui écoutent à deux heures du matin,

Celles qui s’inquiètent quand vous prenez un long chemin.

Celles à qui vous raconter les histoires qui font honte, celles qui ne se racontent pas à la vraie.

Celles qui passent derrière et ramassent sans dire un mot

Celles qui soignent

Nos enfants ont 2 ans, 45 ans, 63 ans

Nos enfants sont petits ou très grands

Nous sommes les mères silencieuses

Nous sommes celles qui n’entendront jamais le mot maman.

Julie Courchesne

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1 Comments

  1. Sobol 2022/05/13 at 12:05 am

    Bonjour
    Je suis illustratrice et je voudrais vous demander la permission d’utiliser et illustrer et publier partiellement votre texte pour parler des mères silencieuses