La fête des Mères est pour bien des femmes, la journée de l’année la plus douloureuse qui soit. C’est ce moment » boomerang annuel » en pleine gueule qui leur rappelle que la société et les médias continuent sans relâche à mettre de l’avant ce que j’appelle « la maternité piédestal ».
C’est cette maternité présentée itérativement comme la quintessence de l’épanouissement personnel de la femme, le but suprême à atteindre pour devenir complète, la police d’assurance d’un bonheur qui s’égouttera tel un doux nectar au fil des décennies à venir, la garantie éprouvée anti-solitude pour les vieux jours, qui fait souffrir les femmes sans enfant en deuil. Elles me le disent, me l’écrivent et me le confient quotidiennement depuis des années en ligne et maintenant en thérapie.
Cette représentation idéalisée de la maternité s’est vue s’exacerbée en partie à coup d’images chocs au début des années 90. Rappelons-nous, cette couverture du Vanity Fair mettant en vedette Demi Moore, dénudée et enceinte. Cette photo d’Annie Leibovitz figure parmi l’une des couvertures les plus célèbres de tous les temps.
S’en est suivi une multitude d’images similaires au fil des années. Cet affichage décomplexé de la maternité faisait certainement écho à un besoin pour les femmes : normaliser ce passage bouleversant qu’est la maternité et les aider à voir leur beauté et leur puissance à travers cette transformation extrême de leur corps.
Toutefois, il faut avoir une force morale en béton armé pour ne pas être touchée à la vue de ces unes mettant en scène ces femmes: entrepreneures, artistes, animatrices, chercheures, influenceuses mais « maman avant tout » comme le dit Amélie Prévost . Elles le répètent sans hésitations : rien n’arrive à la cheville d’être maman! C’est presque impossible que ne percole pas dans les esprits et les cœurs des femmes sans enfant que quoi qu’elles fassent, elles devront se satisfaire d’être décorée de la médaille de bronze de la reconnaissance sociale.
Il s’agit d’un vécu marginal me direz-vous! Ça ne pourrait être plus faux. La preuve : elles se regroupent de plus en plus en ligne pour s’en parler à travers des groupes comme le groupe Facebook Entre femmes sans enfant pétillantes (francophone) ou le Childless Collective (anglophone). Une semaine dédiée à parler du vécu des femmes sans enfant par circonstances ( World Childless Week) a même été mise sur pied au Royaume- Uni il y a cinq ans. Elle aura encore lieu en ligne cette année du 16 au 22 septembre 2024 grâce au travail acharné de Stéphanie Joy Philips. J’en suis d’ailleurs une des fières ambassadrices depuis ses débuts.
Alors de quoi ces femmes ont-elles besoin à l’approche de prochaine fête des Mères en France, me demanderez -vous?
1-De sentir qu’elles appartiennent : à un groupe d’amies, de collègues, de famille élargie, de voisins, de jardinières, de collectionneuses, de tricoteuses, de passionnées, d’amoureuses, de défenderesses, de sportives, de contemplatives.
2-De sentir qu’elles sont incluses : dans les conversations, dans les fêtes, dans les familles, dans les magazines, dans les histoires, dans les films, dans les milieux de travail, dans les politiques, dans le féminisme.
3-De sentir qu’elles sont reconnues et acceptées pour : leurs dons, leur engagement, la valeur de leur temps, leur bénévolat, leur proche aidance, leur choix, leurs pertes, leurs deuils, leurs défis, leurs réalités, leurs limites.
Mais avant tout, ce dont elles ont le plus besoin c’est de relations empreintes d’écoute, de respect, d’importance et de considération.
Catherine-Emmanuelle Delisle
TRA, Thérapeute en relation d’aide md : Spécialiste du vécu des femmes sans enfant
Ambassadrice de la World Childless Week
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