Femme mariée sans enfant
Enfant, je n’étais pas comme certaines petites filles qui aiment jouer à la poupée, qui se projettent déjà dans le rôle de mère. Moi, j’aimais dessiner, aller dans la forêt ramasser des marrons à l’automne, inventer des bricolages… Pourtant, il me semblait naturel qu’un jour, j’aie des enfants. D’ailleurs, je me rappelle d’un dessin où je m’étais imaginée, moi, adulte, avec une bonne dizaine d’enfants autour de moi ! Je me voyais devenir mère de famille nombreuse. Le destin en a décidé autrement.
Adolescente, mes premières relations avec les hommes n’ont pas été heureuses. Elles ont même été franchement chaotiques. A cet âge-là, la maternité me semblait loin, très loin de moi… A seize ou dix-sept ans, j’aurais pu mal tourner. Je n’avais aucune stabilité affective. J’ai eu beaucoup de relations qui s’achevaient au bout de quelques semaines ou quelques mois. Arrivée à la vingtaine, un garçon avec qui je sortais à l’époque m’a dit : « Je ne pourrais pas supporter que la mère de mes enfants ait un passé comme le tien ». Après cette rupture, j’ai connu une nouvelle relation qui s’est achevée également et, là encore, un reproche similaire : « Je n’arrive pas à te pardonner ton passé ». Mon passé instable d’un côté, la maternité de l’autre… J’avais connu trop de relations, trop jeune. C’était plus fort qu’eux : mes petits copains d’alors ne pouvaient pas passer outre. Il aurait été facile et confortable pour moi de ne pas évoquer mon passé. Pourtant je détestais l’idée d’entamer une relation avec des non-dits.
Je me suis dit alors que, sans doute, je devrais renoncer à la maternité.
Dans le même temps, je me suis souvenue d’une abbaye où j’avais séjourné, plus jeune, et j’ai décidé d’y retourner pour quelques jours. En fait j’ai enchaîné plusieurs retraites monastiques. Les religieuses qui m’ont accueillie étaient – et cela m’a terriblement frappée – rayonnantes. Elles semblaient habitées, vivantes, joyeuses et calmes. J’avais entendu parler de l’idée d’une « maternité spirituelle » et non pas biologique. Les religieuses que j’ai rencontrées incarnaient tout à fait cela. J’ai pensé que, peut-être, je devrais prendre exemple sur elles pour mieux m’affirmer en tant que femme et aussi, pour pouvoir vivre un jour une certaine forme de maternité spirituelle.
Or à ce moment-là, j’ai fait la connaissance de mon futur mari. Contrairement aux autres garçons et jeunes hommes que j’avais connus, il avait une attitude très sereine par rapport à mon passé. « Si tu as besoin de m’en parler, tu peux, m’avait-il dit, mais au fond pour moi ça n’a pas d’importance : le passé c’est le passé ».
J’ai continué les retraites monastiques et, finalement, j’ai reçu le baptême et je suis devenue chrétienne (mon mari était déjà chrétien). Et quelques mois plus tard, nous nous sommes mariés.
Toutes les femmes de ma famille sont toujours tombées enceintes très facilement alors je pensais que, pour moi aussi, cela viendrait tout seul. Je me réjouissais d’être mère ! Quelle belle victoire ce serait, par rapport à mon passé de jeune fille instable, par rapport aux réflexions des garçons que j’avais connus plus jeune! J’étais décidée à prouver que je pouvais être une mère exemplaire, je voulais donner une éducation très stricte et structurante à mes futurs enfants, pour ne pas qu’ils s’égarent comme je m’étais égarée moi-même. Mais les mois et les saisons passaient et je n’étais pas enceinte…
Après une bonne année d’essais infructueux, mon mari et moi avons effectué une série de tests à l’hôpital pour vérifier que tout était bien normal. Et oui, tout était normal : nous étions en parfaite santé tous les deux. Rien n’expliquait notre situation d’infertilité. « Infertilité idiopathique primaire » : tel était le diagnostique.
Nous aurions pu entamer un parcours en PMA mais nous avons choisi d’y renoncer. Mon mari s’y opposait pour des raisons éthiques et, de mon côté, je n’étais pas à l’aise avec l’idée d’une « intrusion technique ». Tomber enceinte naturellement était important pour moi.
L’impossibilité d’avoir des enfants a marqué le début d’une crise au niveau de ma foi, crise dont je ne suis pas encore vraiment sortie. La prière reste importante pour moi et la Vierge Marie continue de m’inspirer, mais je ne vais plus à l’église.
En attendant, je suis heureuse de découvrir les parcours d’autres femmes sans enfant, qu’elles soient croyantes ou non. Pouvoir partager cette expérience, ne pas garder cela pour soi est précieux. D’où, aussi, ce témoignage…
Madeleine
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