19 septembre: Les voix des hommes comptent aussi!
Les hommes ne parlent souvent pas ouvertement de leur vécu en lien avec le fait d’être sans enfant par circonstances. Aujourd’hui, nous accordons notre attention à leurs parcours, leurs histoires, leurs émotions et leurs perceptions. Voici le témoignage de Joël.
«Oh, ça va. Toi, t’as tout le temps pour en faire » « C’est pas pareil pour les femmes. »
Voilà, ce que j’entends à tout bout de champ lorsqu’il s’agit d’évoquer mon désir de paternité. Enfin, désir, je ne peux qu’imaginer que c’en est un, parce qu’il paraît qu’on ne vit pas intrinsèquement ces choses-là, nous, les hommes, qu’on n’est pas programmés pour cela, et donc que l’on est en quelque sorte des procréateurs de seconde zone, qui vivent les choses d’un point de vue éloigné. C’est en tout cas comme ça que j’ai été élevé, ce qui se sous-entendait dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
Le désir d’enfant a mis du temps à se faire jour en moi. Beaucoup de petits soucis à régler dans mon adolescence; un petit retard à l’allumage que l’on ne peut rattraper comme un cours à l’école, car l’école de la vie est plus exigeante et demande de passer par certaines étapes obligées. Aussi, besoin de trouver la bonne et de ne pas avoir des enfants pour avoir des enfants, comme j’ai si souvent pu l’observer (on est beaucoup plus lucide sur les dynamiques de couple de l’extérieur, quand on n’est pas occupé avec les couches et les biberons). Surtout, sentiment d’éternité, le fait de ne pas avoir cette satanée horloge biologique qui vient nous rappeler que Dame nature te donne tout un tas de possibilités, mais qu’elle te les reprend un jour, parce qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses, non plus!
J’étais donc censé ne pas vivre cette crise de la quarantaine, que connaissent les femmes au désir d’enfant inassouvi. Et pourtant, à 40 ans, j’ai fortement senti que ce serait plus dur, que j’étais passé de l’autre côté de la barrière, du côté de la seconde moitié de ma vie, celle où ça commence à être rare de se reproduire, car le corps commence à te faire comprendre sa finitude. Je ne pourrais pas dire que cela m’a fait l’effet d’un électrochoc et plongé dans la dépression, mais je l’ai vécu comme si j’étais interdit à un club et que je ne pouvais pas m’en plaindre, car il y avait plus malheureuse que moi. Je n’éprouvais pas un manque au jour le jour, mais je ressentais juste l’impression, non seulement de ne pas avoir accompli totalement mon histoire, car je l’ai sentie sur le tard, mais de ne pas avoir le droit de me dire ça, car la génétique nous permet encore d’être père à 80 ans si ça nous chante (mais dans ce cas, il ne reste plus qu’à espérer avoir une très bonne génétique pour espérer connaître son rejeton au-delà des poussées d’acné). Quand bien même je procréerais maintenant, je ne pourrais jamais vivre cette insouciance du trentenaire face à une situation tellement nouvelle. On a beau rester jeune dans sa tête, il n’en reste pas moins qu’on appréhende plus ce qui peut arriver à nos proches avec l’âge, en tout cas me concernant. Je le vis avec ma filleule de 6 ans, je n’ose imaginer comment je le vivrais avec le fruit de ma chair!
Bref, des sentiments mêlés, qui se traduisent également lorsqu’il s’agit de faire des rencontres amoureuses. Entre les femmes ayant des enfants, mais n’en voulant plus, et les femmes n’ayant pas d’enfant, consciemment ou pas, le choix est compliqué. Je rencontre en grande majorité des femmes qui en ont depuis que j’ose exprimer ce désir. Karma peut-être, ou tout simplement le fait que j’ai tendance à adorer l’interaction des femmes de mon âge. Et il est vrai que si je veux en avoir un, eh bien, cela voudrait dire que je me mette à la recherche d’une femme âgée de quelques années de moins que moi. J’ai toujours refusé d’être à la recherche de ci et de ça. Si j’avais fait ça, j’aurais eu un enfant avec les mauvaises personnes, pour faire comme tout le monde, et je serais en train de me plaindre à longueur de journée contre mon ex qui me fait des misères, et qui ne veut pas respecter ses gardes, et qui me met des bâtons dans les roues, et que sais-je encore? D’ailleurs, je n’aurais pas immigré au Québec et continué mon chemin de vie en quelque sorte, si j’avais eu ce genre d’attache en France.
Donc finalement, et c’est ce que je suis en train d’accepter, ne pas faire un enfant est toujours un choix, en quelque sorte. Pour ma part, ça a été le choix de poursuivre mon cheminement personnel et de réparer ce qui devait l’être dans cette vie. Plutôt que de parler de deuil, j’évoquerais l’acceptation des conséquences de mon choix. La spiritualité m’aide en cela, pour comprendre que l’on est autre chose que cette incarnation quelque peu égocentrée de soi-même. Vouloir laisser une trace, cela passe par mille façons différentes. Il y en a de plus évidentes que d’autres, que la majorité choisit, mais au fond, ne doit-on juste pas suivre son propre chemin et accepter que les choses soient ainsi? Mieux vaut être un sans enfant heureux qu’un parent malheureux!
Joël
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