Je vous présente une autre femme sans enfant par circonstances de la vie. C’est une dentiste de 44 ans. Elle nous parle, entre autre, des impacts émotionnels de l’infertilité dans un couple. Pour préserver son anonymat, nous la nommerons Élisabeth.
1-Vous n’avez pas d’enfant : est-ce par choix ou par circonstances de la vie ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu des enfants. Mon conjoint et moi avons tenté pendant près de 14 ans d’avoir des enfants sans et avec l’aide de la médecine. Cela n’a pas été concluant et les médecins n’ont jamais été en mesure de trouver la cause exacte de mon infertilité.
2- Pouvez-vous expliquer quels types de démarches ont été entreprises pour vous permettre de procréer ?
Au départ, on m’a soumise à un traitement hormonal dans le but de stimuler mes ovaires. Par la suite, nous avons opté pour l’insémination à deux reprises. Puis, ce fut la fécondation in vitro dans une clinique privée de fertilité et en second lieu dans un hôpital.
N’ayant toujours pas obtenu de résultats probants, nous avons considéré l’adoption au Québec et à l’étranger. Rapidement, cette possibilité a été mise de côté devant la longueur des délais et la complexité des démarches.
Une nouvelle possibilité s’est offerte à nous : une banque anonyme de donneuse d’ovule en Argentine. À deux reprises, nous nous sommes rendus en Argentine pour tenter l’implantation et la fécondation d’un ovule pour me permettre de tomber enceinte mais ces deux tentatives ont été vaines.
Finalement, devant ces constats d’échecs, nous avons donc décidé de faire le deuil d’avoir un enfant ensemble, mon amoureux et moi.
3- À travers toutes ces années de traitement, qu’avez-vous trouvé particulièrement difficile en tant que femme?
Vous devinerez que de telles démarches sont émotivement éprouvantes pour un couple et très ardues physiquement, principalement pour la femme. La prise d’hormones a un impact certain sur les humeurs et le moral.
Il a été aussi très complexe de concilier mon travail, régi par mes rendez-vous établis des mois d’avance avec mes clients, et mes traitements de fertilité.
Les déplacements imprévus à Montréal et le voyagement dans la congestion automobile, n’ont fait qu’ajouter stress et anxiété au processus déjà très complexe, long et émotivement éprouvant.
4-Quelle a été la réaction de votre conjoint face à votre incapacité de tomber enceinte ?
Mon conjoint a été très affecté par mon incapacité. Il ne pouvait envisager, par exemple, participer aux fêtes marquant l’arrivée d’un bébé. Je remarquais qu’il était souvent plus abattu que moi par nos échecs successifs dans nos démarches de fertilité.
5- Quelle a été votre réaction face à votre incapacité à tomber enceinte ?
Bien certainement, j’étais déçue et découragée. Toutefois, je n’ai jamais ressenti le besoin de me couper des célébrations reliées aux naissances des enfants de mes amies. J’ai toujours aimé les enfants. Il était donc naturel que je participe aux divers événements impliquant des enfants de mon entourage. J’ai donc choisi, avec le temps, d’adopter une attitude plus pragmatique et positive face à cette situation imprévue.
Bien sûr, toutes ces épreuves ont ébranlé notre couple mais nous avons choisi de rester unis, malgré tout.
6-Est-ce que votre famille (parents, frères, sœurs) occupe une grande place dans votre vie ?
Oui, je suis très près de mes parents. J’ai aussi deux sœurs avec qui j’entretiens de très bonnes relations. Mes neveux et nièces occupent également une grande place dans ma vie.
7- Dernièrement, l’arrivée inattendue d’un enfant dans votre famille est venue bouleverser votre vie de manière positive. Voulez-vous nous raconter comment cela s’est passé ?
À sa plus grande surprise, la nouvelle conjointe de mon beau frère, résidant à l’époque au Costa Rica, est tombée enceinte. Cette dernière, selon les médecins, ne devait pas être en mesure de procréer. Devant ce cadeau inespéré de la vie, le couple n’a pas hésité à garder le bébé. Quelques mois après l’accouchement, mon conjoint et moi sommes allés rendre visite aux nouveaux parents afin de leur prêter main forte. Nous nous sommes occupés du bébé et des deux autres enfants de mon beau frère comme s’il s’agissait des nôtres pendant quelques semaines. C’est là que s’est amorcée, la création d’un lien profond et durable entre nous et Victor ( nom fictif).
Quelques mois plus tard, le couple est venu s’installer au Québec. Progressivement, nous avons bâti une relation solide avec l’enfant du couple qui nous le confie maintenant, pour notre plus grand bonheur, une fin de semaine sur deux ! Cette relation privilégiée avec Victor nous fait ainsi goûter au plaisir d’être parents ensemble. C’est une façon pour nous de transmettre nos valeurs et de vivre toutes sortes d’expériences nouvelles et enrichissantes.
8 -Quelle est votre place et votre rôle en tant que femme sans enfant dans la société ?
Avant, j’avais souvent l’impression de ne pas être une « vraie » femme, une femme incomplète parce que je ne pouvais pas avoir d’enfant.
À l’occasion, je dois encore faire face à certains commentaires de parents qui peuvent être blessants. Par exemple, la phrase typique :«Tu ne peux pas savoir, tu n’as pas d’enfant » . C’est un fait ! Toutefois, ma situation de femme sans enfant me permet d’avoir un point de vue souvent plus détaché et objectif face à l’éducation des enfants.
J’ai aussi réalisé avec le temps que pour être une vraie femme, il n’est pas nécessaire d’être une mère. On peut être une bonne amie, une tante, une marraine, une gardienne pour combler son besoin de maternage.
Comme mentionné précédemment, la vie s’est aussi chargée de m’entourer des enfants des autres dont je prends soin avec bonheur et engagement.
9-Quelles femmes t’inspirent ou sont tes modèles ?
Quelles soient avec ou sans enfant, les femmes qui s’accomplissent, quelque soit leur projet, m’inspirent.
J’admire les femmes qui arrivent à accepter leur destin et qui réussissent à trouver le bonheur et la sérénité malgré les épreuves.