Vrais ou faux amis

La question à savoir qui de mes amies est une vraie amie m’interpelle, car au cours des années, surtout en plein « âge moyen », je m’y penche encore plus sérieusement.

 

Femme sans enfants (FSE) de 57 ans, je m’inquiète des années qui arrivent et qui me font approcher très vite de la vieillesse, ce mot honni par la société. Je me demande comment je vivrai mes dernières années, en santé ou en maladie, seule ou entourée, riche ou pauvre… Je souhaite bien sûr que ce soit du bon côté de la balance, mais à part mettre tous les efforts et la volonté nécessaires pour y parvenir, seul l’avenir le dira.

 

Il n’y a pas si longtemps, j’ai accompagné ma mère dans ce passage obligé. Je me suis dévouée pour qu’elle ne se sente pas délaissée, malgré une relation tordue et complexe. J’ai également soutenu ma vieille amie quand elle a demandé l’aide médicale à mourir. Qui fera la même chose pour moi ? Je n’ai pas eu la chance de rencontrer une jeune amie qui pourrait me rendre la pareille. Je me dis que ce n’est pas grave. À mes 50 ans, j’ai eu l’occasion de constater que j’étais soutenue par un cercle d’amis large et diversifié. Plus récemment, à mon dernier anniversaire, un bon ami m’a dit : c’est super, tu es bien entourée ! C’est vrai. Il y avait peu de gens présents, mais chaque personne était une personne qu’on voudrait dans son abri nucléaire. Elles font partie de ces amitiés forgées par le temps, authentiques ; qui permettent d’être soi, vibrante et vivante.

 

Je réserve ma loyauté indéfectible pour ce genre d’amitiés. Je pense à ma relation avec le noyau dur du groupe FSE québécois, où à quatre, nous discutons, nous nous écoutons, nous nous consolons et nous refaisons le monde chaque fois à notre couleur, pour qu’il soit plus accueillant pour nous qui avons souffert de la non-maternité et pour lesquelles le deuil reste toujours à faire.

 

J’ai envie d’examiner maintenant les autres amies et amis, celles et ceux que je ne vois pas souvent, mais que je rencontre à l’occasion, des connaissances. Parmi celles-ci, nommons les alliées (les vrais amis), et les adversaires (les faux amis).

 

Il est d’une importance capitale de bien les repérer ces faux amis, car leurs mots assassins perdurent dans notre psyché et causent des dommages lancinants, aux échos lointains et profonds. Ce n’est pas que ces « amis » ont de mauvaises intentions. Si j’ai envie d’être généreuse, je me dis qu’ils manquent d’éducation… Il faut prendre le temps de leur expliquer à quel point leurs paroles et leurs actions nous blessent. Mais après, je me demande : est-ce qu’un obèse, un dépressif, ou un chômeur prendrait le temps de dire à quelqu’un qu’il est offensant parce qu’on lui a affirmé que les choses allaient changer, qu’avec de la bonne volonté, on y arriverait ou encore que la vie n’est pas si mal lorsqu’on accepte les choses comme elles sont ? Non. La réponse est un non ferme ! Pourquoi moi, femme sans enfants qui n’a pas choisi de l’être et qui en souffre presque encore tous les jours, me mettrais à éduquer quelqu’un quand on me dit ces phrases qui semblent anodines, mais qui révèlent bientôt toute leur perversité :

 

–       Il y a tellement d’enfants dans le besoin ; pourquoi n’adoptes-tu pas ?

–       Chanceuse, je te prête mes enfants turbulents tout de suite !

–       Une fois que tu auras accepté, et que tu auras lâché prise, tu tomberas enceinte (quand j’étais encore en âge de l’être).

–       Il y a une raison derrière chaque chose qui arrive dans la vie !

–       Moi ma sœur, ma tante, ma nièce, ont fait telle, telle ou telle chose et c’est miraculeux, elles sont tombées enceintes à 47 ans !!

–       Est-ce que tu as des enfants ? « Non » (l’interlocuteur fait une face d’enterrement).

 

Je pourrais défiler ma liste encore longtemps, mais j’en passe ! Je vous épargne l’indignité de ces interrogatoires, à la fois trop intimes et trop envahissants.

 

À tous celles et ceux qui pensent nous encourager en partageant de telles remarques, sachez que si dans la première demi-heure, nous n’avons pas parlé de nos enfants, c’est que nous n’en avons PAS ! Ne pensez pas une seconde que de tous les conseils et témoignages qui existent sur comment devenir mère, il n’y en PAS UN que nous n’avons pas essayé !

 

Louanger sur les médias sociaux qu’être mère est votre plus grand aboutissement et inonder les fils des photos de votre tendre progéniture n’accomplissent qu’à diminuer nos efforts et nous mettre le nez dans le caca de notre société pro-mère et pro-natalité.

 

Une vraie amie ne parle pas de ses enfants et de leurs exploits ad nauseam, une vraie amie ne parle de ses enfants à une FSE que si cette dernière a d’abord abordé le sujet, une vraie amie t’appelle à la fête des Mères et te dit qu’elle pense à toi parce qu’elle sait que cette fête fait mal, une vraie amie t’écoute et te console quand tu lui dis que tu n’en peux plus de voir les photos sur les médias sociaux qui exaltent la rentrée, l’Halloween, Noël et tant d’autres événements marquants en « famille ».

 

Une vraie amie t’aime comme tu es et te rappelle que TOI, dans TOUTE TON AUTHENTICITÉ, es chérie, AIMÉE, et considérée comme une PERSONNE ESSENTIELLE à l’édification des fondements d’une société saine et inclusive, là où il fait bon vivre pour prendre sa place entière afin d’être aimée et respectée… comme il se doit. C’est comme ça qu’on devient PLEINEMENT ÉPANOUIE.

 

Sarah Kerouac

Montréal le 19 août 2024

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